Dans un contexte de criminalisation croissante des mouvements sociaux au Brésil, 18 organisations de solidarité internationale françaises ont décidé en décembre 2018 de former la Coalition Solidarité Brésil, pour faire converger leurs actions en soutien aux acteurs de la société civile brésilienne. Ces organisations partenaires brésiliennes ont alerté notre Coalition de la détérioration de la situation de la démocratie au Brésil et du nombre croissant de violations des droits humains sur les territoires.

Nous proposons aujourd’hui de relayer leur cri d’alarme, qu’il soit entendu en France et en Europe, en lançant la campagne « Le Brésil résiste. Lutter n’est pas un crime ». Comme première étape de cette campagne, nous nous sommes dotés d’un instrument à même de nous aider à faire un état des lieux de la situation sociale du Brésil. Il s’agit d’un baromètre mesurant la pression subie par la société civile ces derniers temps et plus particulièrement ces deux dernières années.


Ce site propose par ailleurs des témoignages vidéos d’acteurs et d’actrices sur le terrain, parlant des menaces concrètes qui les touchent aujourd’hui.

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Peuples autochtones

Plus de 314 peuples autochtones, parlant 274 langues différentes, paient le prix fort de la violence du gouvernement Bolsonaro. Le président de la République multiplie les déclarations anti-autochtones et nomme des représentant.e.s de secteurs contraires aux droits autochtones, précisément pour les postes chargés de garantir ces droits ; son gouvernement s’est engagé dans un démantèlement des politiques publiques et dans la destruction des droits des peuples autochtones garantis dans la Constitution. Cette posture est un terrain fertile pour les invasions de terres autochtones, les assassinats de dirigeant.e.s et d’autres violations graves.

Environnement

Le modèle de développement économique du Brésil est basé sur l’avancée de l’agrobusiness, la multiplication des mégaprojets miniers, l’extraction d’hydrocarbures et un boom dans le secteur de la construction et opération de grands projets hydro-électriques. Percevant les politiques environnementales comme un obstacle à ce développement, le gouvernement de Bolsonaro s’emploie à les démanteler. De nombreux organismes publics environnementaux ont ainsi été attaqués à travers des changements abrupts de Direction, et affaiblis par des coupures budgétaires : le Système National de l’Environnement (SISNAMA), l’Institut Chico Mendes pour la Biodiversité (ICMBio) ou l’Institut Brésilien de l’environnement et des ressources naturelles renouvelables (IBAMA). Le Ministère de l’Environnement au Brésil n’a par ailleurs utilisé que 0,4 % de son budget consacré aux politiques environnementales de janvier à septembre 2020.

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Femmes

Légitimées par des discours et représentations sexistes diffusés par le gouvernement, les violences à l’égard des femmes augmentent. En 2019, trois femmes sur dix ont souffert d’un type de violence, 1326 féminicides ont été comptabilisés au Brésil (une augmentation de 7,1 % par rapport à 2018), et un viol a eu lieu toutes les huit minutes. Le racisme structure ces violences de genre : en 2019, 66,6 % des victimes des féminicides sont noires, et l’analyse d’une période plus longue allant de 2008 à 2018 montre que le taux d’homicide des femmes noires a augmenté de 12,4 %, alors qu’il a diminué de 11,7% pour les femmes « non-noires ».

Racisme et violences policières

Les données disponibles montrent que chaque année les polices brésiliennes -militaires et civiles- tuent davantage. Avec 6375 victimes des violences policières en 2019 (soit 3 % d’augmentation par rapport à 2018), le Brésil a atteint un nouveau record. Le taux de létalité policière, c’est-à-dire les ‘morts violentes’ résultant d’une intervention policière, varie beaucoup d’un État à l’autre (étant très élevé dans les États d’Amapa ou de Rio de Janeiro et bas dans le District Fédéral ou l’État de Minas Gerais). Les périodes de (semi)-confinement dues à la pandémie, n’ont pas atténué cette violence : au premier semestre 2020, les chiffres indiquent une nouvelle augmentation de 6 % du nombre de personnes tuées par la police par rapport au premier semestre 2019.

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Liberté d’expression

Malgré la fin officielle de la censure des médias et le retour du pays à la démocratie en 1984, les professionnel.le.s de la communication et des médias, « la presse brésilienne », sont confronté.e.s à la violence, à la censure judiciaire et aux restrictions de leurs activités. Si l’on considère les dix dernières années, le Brésil se place, derrière le Mexique, au deuxième rang des pays qui comptent le plus grand nombre de journalistes assassiné.e.s en Amérique latine (43). L’impunité des violations commises à l’encontre de la presse demeure et s’est considérablement aggravée au cours des années 2019 et 2020.

Logement

Après les politiques sociales des années 2000, qui ont amené à la création du Ministère des villes, une revendication historique des mouvements populaires de lutte pour le droit à l’habitat, des politiques d’austérité ont brutalement inversé la tendance. Le dialogue avec les mouvements sociaux s’est interrompu et les expulsions des familles occupant des immeubles vides sont devenues récurrentes. L’organisation des Jeux Olympiques en 2016 à Rio et celle de la Coupe du Monde de football en 2014 dans d’autres villes ont servi d’alibi pour accélérer ces expulsions. Les menaces et la criminalisation des mouvements luttant pour un logement digne et pour le droit à la ville ont continué de plus belle depuis l’accession au pouvoir de Jair Bolsonaro. 
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Accès à la terre

Une des premières mesures de Bolsonaro a été de paralyser la Réforme Agraire, qui consiste pour l’État à réattribuer des terres improductives ou cultivées dans l’illégalité à des familles qui souhaitent vivre de la terre . En 2019, il n’y a eu aucune attribution de terres aux familles sans terre par ce mécanisme d’expropriation de propriétés qui n’accomplissent pas leur fonction sociale, prévu par la Constitution ; seulement deux territoires quilombolas ont été reconnus. En 2020, toutes les institutions chargées de la réforme agraire sont dirigées par des acteurs politiques opposés au partage des terres. Ces mêmes acteurs jugent la pandémie comme un temps d’opportunité pour favoriser l’accaparement de terre par l’agrobusiness. Le projet de loi 2.633/2020, qui traite de la régularisation foncière, a ainsi été clairement jugé par les organisations et mouvements sociaux comme une tentative de légalisation des accaparements illégaux de terre, susceptible d’accroître la déforestation et les conflits en milieu rural.

Éducation

Depuis l’investiture de Bolsonaro en janvier 2019, les attaques contre l’éducation publique (primaire, secondaire et supérieure) s’intensifient. Allié du mouvement conservateur « Escola Sem Partido » (École sans parti), le gouvernement a décidé de mener une guerre culturelle contre l’enseignement sur deux fronts : l’un réactionnaire, en affirmant vouloir « purger » l’école et l’université du marxisme culturel et en révoquant les quotas raciaux pour les programmes de premier cycle ; l’autre néolibéral, en réalisant de drastiques coupes budgétaires et en méprisant ouvertement les sciences humaines et sociales, jugées pas assez rentables. Toutes ces mesures mettent directement en danger l’avenir de millions de jeunes Brésilien.ne.s, de l’école primaire à l’université.

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Personnes LGBTQI+

Selon le rapport annuel du Groupe Gay de Bahia publié en 2020, 329 personnes LGBTQI+ ont été victimes d’une mort violente au Brésil en 2019 : cela signifie une morte violente toutes les 26 heures. Ces chiffres garantissent au pays le triste titre de champion du monde des crimes contre les minorités sexuelles : plus de la moitié des personnes LGBTQI+ tuées dans le monde vivent au Brésil.

Opposition politique

Depuis 2016, les meurtres, les agressions et menaces ont joué un rôle important dans la structuration de la vie politique et électorale au Brésil. Loin d’être épisodique ou isolée, cette violence à l’égard des élu·e·s fait partie intégrante de la vie politique institutionnelle des villes brésiliennes, comme en témoigne le nombre important d’assassinats et d’attaques contre des maires et parlementaires des chambres municipales.